La Roche Ecrite

La Roche Ecrite

TOI L'OUBLIEE REVENUE

 

                                                                            " Un poème donne toujours à entendre une voix passée 

                                                                               au fin tamis du silence. "

                                                                                                      Jean-Baptiste Para

 

 

 

 

   

 

 

 

 

La vie prodiguait ses pleines arborescences

rien n'annonçait les arrière-saisons

rien ne refermait les volets

rien ne strangulait les horizons

rien ne lacérait les années.

Les heures aux mains de soie dénudaient les corps

pour les habiller de feuillages

- mais où sont les grands alisiers d'antan ?

 

 

 

Tu serais le pas de côté

qui ferait de nous des pérégrins

des adorateurs de scarabées dorés.

Tes cheveux sentiraient mille étés

et toute lourdeur abolie nous vannerions cette avoine

au plein vent de la steppe que caresserait le soir...

Hélas la harpe se tait et plus rien ne demeure.

 

 

 

Ce coteau crayeux

où nos souffles confluèrent

devant le brasier

des ceps arrachés...

 

 

 

Une bise acide

chuinte dans trois vieux pins

et moi ici ou peut-être l'Autre

- j'écoute l'hiver qui vient.

 

 

 

Tout est aube sale et crépuscule

battant comme une tenture usée.

Nous tâtonnons dans un espace non advenu

promesse bâillonnée

où de lointains astrologues de leurs voix pluvieuses

annoncent le solstice à l'écho des forêts.

Et pourtant un aède quelque part

disperse sa musique de source et de cristal

- et qui suis-je pour l'entendre ?

 

 

 

Il neige dis-tu soudain

à la couture de nos silences

- entre Cambrien et Dévonien

nos âmes schisteuses balancent

dans les éboulis rouillés du Temps.

 

 

 

La brunante s'étoile

un clocher nous regarde passer

- alors le ciel t'appelle par ton nom

intergalactique

Laniakea.

 

 

 

Tu serais celle que nul n'attendait plus

tu sèmerais l'indicible aux quatre vents.

Dans ton regard embué un univers s'allumerait

et pour toi seule sans doute

toi l'Oubliée revenue

il neigerait sur Mala Strana.

 

 

 

Déjà je ne suis plus vie mais lambeaux de vie

cris arriérés que la falaise me renvoie

et pétales d'amandier brûlés par le gel

- les lointains bleus me quittent à pas feutrés

me laissant là à mon orgueil de lièvre

à ma hâte de zigzaguer encore

ombre noire

sur le couchant vineux du monde.

 

 

Ce grand lilas mauve

qui parfuma ta nuque

un jour à Samarcande.

 

 

 

Plage soudaine d'un matin grec

et ce gravier de diamants roses

où tu marches.

 

 

 

Viendront des jours sépulcraux

où ta joie d'alouette

vaudra son pesant d'or.

 

 

 

Nous avons peut-être rêvé...

L'inaccessible fut notre pain du matin

notre breuvage de lueurs

aux rives d'un Gange où tes paupières se lavaient

toi ma Nanda Devi

toi ma Déesse de Joie.

 

 

 

Je suis ce rien du matin qui n'est que frisson d'aube

nausée étale à l'heure où chante le coq

- qui sait l'aurore des hauts plateaux ?

qui sait ce jour qui vient sinon toi

la Femme de la suprême transhumance

l'innommée et la passante étoilée

des estives où tant de fois je me suis perdu 

où tant de fois je me perdrai ? 

 

 

 

Enfin plus rien n'était à dire !

La mousson nous avait détrempés

lavés de la graisse de nos ultimes mots.

Il pleuvait sur Dharamsala

et tu ruisselais de ta splendeur dorée.

Dans l'extase vanillée du soir

nos corps nous précédèrent.

- Nous étions des loqueteux nus

pulvérisés sur fond d'Himalaya.

 

 

 

Il vint et il vit.

De ses mains fines de brahmane

il nomma un à un les cols et les sommets

un à un les aigles qui tournoyaient au ciel

comme grandes feuilles mortes.

Il était l'oracle ancien des jours à venir.

Un matin que les tétras roucoulaient

il me confia de sa bouche embuée

qu'il aimait tes yeux pers de fille des Aryas.

 

 

 

Soudain la crue étend ses grands linges nacrés

sur les froments en herbe

et des pans de ciel s'affalent dans les labours.

L'immémorial nous est restitué

en robe claire et sidérale.

Une verdeur inouïe stimule notre souffle.

Voguez vanneaux bernaches et pluviers !

Immobiles nous vous suivons.

 

 

 

Lente et têtue la pluie

refroidit la lave des heures.

Les choses muettes fredonnent 

un cantique inconnu venu du fond des âges

dont on s'enivre jusqu'à la nausée

- et l'on songe soudain que midi sonne à Cilaos.

 

 

 

Assaut crépu des forêts contre les falaises

lames tranchantes des glaciers

sur le velours impénétrable du ciel

lune éperdue

très haut par-dessus ce Népal où nous veillons

- et alors la chouette de Tengmalm

lance son chant d'ocarina

dans les replis de notre nuit.

 

 

 

Tu viens du plus lointain Levant.

Tu es l'aurore en robe de safran

la Femme quantique à qui je m'unis

sous les palmiers de tous les mondes

à l'instant même de notre abolition.

 

 

 

 

 

 



27/01/2021
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