La Roche Ecrite

La Roche Ecrite

SUR LE VERSANT SIDERE DU MONDE

 

 

 

 

 

 

Ces heures qui furent déployées

et maintenant se froissent

au ras des choses ordinaires

de leur présence de pendule arrêtée

quand ruisselle le miel chaud de l'après-midi

- puis la nuit rampera comme un serpent

alors il te faudra tourner

de tes doigts précautionneux

la page enluminée du songe...

 

 

 

Tant d'ombres s'allongent

que le pèlerin frissonne

et sur le seuil de l'auberge

où craque le bon pain

il n'est plus que miettes éparses

que picorent les moineaux.

 

 

 

Sur ce pays fuyant

qui ne luit que par flaques

et ne vit que de l'ardente soif de la craie

il faut toujours se tenir comme un saint au ciel.

Sinon c'est la mort.

 

 

 

Dans tes vergers ô Voie lactée

humer ce lourd fumet de fille

de la tueuse éternité !

 

 

 

L'année laissée à l'innocence d'une fleur

brûle par une nuit de gel et se meurt dans les sables.

Soudain toute clarté se fait caravanière.

Horizon, nous t'aimerons ! 

 

 

 

Nulle cloche ne sonne plus

nulle saison ne fane plus.

Il neige un clair de lune

que les grands hêtres encensent

au soleil fauve de leur ardeur.

Je suis l'ultime moine de ces grands bois

qui bruissent comme une mer

- ou peut-être le premier.

 

 

 

De tant de livres faire un grand feu de joie

et puis à l'heure solennelle des partances

simplement devenir

lichen doré sur les lauzes du toit

ou troll dansant sur la lame affûtée du jour.

 

 

 

Vos seins sont d'albâtre

vos yeux sont de pervenches

Vous êtes les régnantes de ce haut pays 

qui se baigne dans le matin au goût de lait

sur le versant sidéré du monde.

 

 

 

Nous retournerons là d'où nous venons.

Nous irons nus au plein soleil.

Nous vénérerons la source et le feu.

Nous nous unirons aux fées des bois.

Nous serons les invincibles des grands chemins.

Nos plus tenaces libertés

seront des libertés chapardées.

 

 

 

Montée vers l'équinoxe.

Il faut marcher marcher marcher

et nourrir à pleines poignées de braises

la corole vorace du printemps.

 

 

 

Au chant ébréché de cette première grive

aux craquelures du ciel à son zénith

aux échos que nos pas perdent au long des drailles

on sent que s'épuise l'aurore

qui s'alluma au temps d'Homère...

- Ces jours deviennent métalliques

et nous sommes si peu forgerons ! 

 

 

 

Notre statue de buis tombe en poussière

et c'est  notre élan vital qui soudain se brise.

Il nous faut vite balayer cette sciure

toiser les horizons

enjôler les collines

et avec la hâte d'un cavalier d'Asie

planter la dernière tente qui narguera le ciel.

 

 

 

Elle était la pianiste

et la magicienne des astres

dans cette rivière d'hydromel

qui descendait des nuits d'Orion

sur le sentier de la soif

et de l'apothéose. 

 

 

 

Nos doigts noueux s'agrippent pourtant

mais à quoi ?

On se réveille fragmentaire

épars entre nuit et jour

et soudain l'autan qui sent le blé moissonné

fait de nous les spectres en robe grise

dans les vallées de l'été.

 

 

 

Le soir qui danse avec le feu

sur l'or froissé des visages,

le silence où d'anciennes voix parlent,

les yeux de loup des années fixés sur nous,

assis au bord de l'ombre

- Serons-nous jusqu'à l'aube les veilleurs de la nuit ?

 

 

 

Un vide qui s'ouvre

et brasille comme un océan,

une fougue soudaine d'alizé

avec parfois d'étranges relents

de soir moite et de massalé,

de terre ocre et de pluie,

de pieds nus pétrissant cette boue

- comme si des jours anciens revenaient...

 

 

 

Je suis la Fileuse qui va pieds nus

et qui te réchauffe de son haleine tiède,

ange des gelées blanches,

lourd enfant des cavernes !

Enlaçons-nous et oublions-nous.

A toi l'onction de la futaie

et du jardin des Hespérides.

- A toi le spasme de cette aurore

et le grand rire de ce premier matin.

 

 

 

Dans l'orgie d'une pluie d'avril

mâcher en lisière cette brunante

offerte comme une proie velue.

 

 

 

L'enfant ne s'éteint pas.

Il nous fait signe de loin

ou bien il est si près

entre deux secondes suspendues

qu'on sent son souffle d'oeillet

embaumer le jardin pierreux,

et  les montagnes d'alentour se balancent

comme des barques perchées.

 

 

 

Horizon du soir

qui boucle sa cape

en me toisant de haut

- peuple infini des choses

dont je me crus le berger.

 

 

 



 

 



28/02/2021
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