PUIS VIENT LE SOIR ENTRE DEUX EAUX
Les matinées cendreuses n'étouffent pas
les feux de prunelliers qui crépitent en nous.
Nous sommes gens de retrait et de féérie.
L'or et l'encens demeurent nos ivresses
et dans nos songes étoilés
un cortège de rois passe et repasse.
Elle courait sur l'eau du lac
elle accrochait le contre-jour
aux boucles sur sa nuque.
Au Japon elle aurait été
fleur de cerisier.
Elle offrait au matin vert une telle soie
une telle évanescence
que nul ne put la saisir.
- De ce jour je joue un faux jeu
et mes voix intérieures sont fêlées.
L'usure survient à pas de loup.
Elle éclaire la chaîne et la trame
dans le chanvre écru des jours,
elle habille de soleil
la dentelle des rideaux.
Mais les natures mortes sont vivantes
et dans son coin d'ombre le Silencieux
jure que les dieux reviendront.
Le sous-bois se donne
à nos mains qui s'effleurent.
L'osmonde règne au pays de ta source.
Eau bondissante,
parfum d'ilang-ilang...
Arrivera la saison des pluies
et la vie se mangera en herbe.
- Ici le possible est sans fin.
Il y a toujours ce moment
où l'Océan nocturne éclate d'un grand rire,
où la Croix du Sud clouée très haut
nous sert d'éternelle boussole.
Et sur le chemin de Bois-de-Nèfles
les grillons tintinnabulent.
Montée au Maïdo
et soudain sur le vieil or des ajoncs
ce régnant essentiel
le soleil !
On est pulvérisé dans cette lumière,
on lui fait l'amour,
on n'en revient pas,
on n'en reviendra jamais.
Dans le plain-chant mauve des lointains
on entend la rumeur du Grand Poème.
Je suis l'errant qui écoute et se tait.
Parfois des jours éteints se rallument,
embrasent au loin la pénéplaine
d'aurores rouges que j'entends respirer...
Bouffées de l'alizé dans les palmiers-bambous,
saveur de papaye d'un soleil qui se lève
et l'écume blanche d'un temps nouveau qui passe.
- Sur ce rivage où nous allons pieds nus
rien d'autre n'est à attendre
que le baiser salé que nous échangeons.
Il est midi dans cette vie
et le sable est sans ombre.
Absolue présence
soleil et torrent
sans ciel ni lieu.
Balancement d'équinoxe,
neige des merisiers,
puis vient le soir entre deux eaux
à l'heure fourbe du berger,
et la plaine alors reflue sous nos pas.
Serons-nous jamais de ce monde ?
Sur le gravier du dernier gué
friselis clair d'une eau de neige
et ce grand reflet de saules et de ciel
où nous n'apparaissons pas.
Les rennes, eux, y migrent encore.
Passons-nous trop vite
ou ne sommes-nous rien ?
Jours d'estuaire,
rives qui s'amenuisent,
se tendent au loin comme deux fils
entre ciel de plomb et vagues baveuses.
- Nul recours que soi
bateau nu
face à la mer qui vient.
Ces miettes de saison
faut-il les picorer
ou bien jusqu'au bout des doigts
se taire
en attendant qu'un ultime soleil
n'effleure la rosée ?
- Nous irons plus nus que notre ombre
et une plage de nacre s'offrira
à l'envers de ce miroir.
Près du ruisseau où tu n'es
que parfum de menthe
ou peut-être feuille parmi les feuilles,
entends-tu l'allegretto
de l'ère du Verseau qui vient ?
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